Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir sérieux, fût-ce par mode, et discuter les lois de la pesanteur au dessert d’un petit souper, — par la grande convulsion de la Révolution et de la Terreur qui rendra le goût de l’héroïsme avec le sentiment du peu qu’est la vie à ces cœurs redevenus sensibles, à ces esprits redevenus sérieux. Alors pourra naître, contemporaine de Condillac et de Goethe, la grande école de théosophie des de Maistre et des de Bonald avec la grande école littéraire de Chateaubriand. Un mouvement simultané des esprits vers la religion — plutôt chrétienne que catholique — et vers la Beauté fera l’aurore du XIXe siècle.

Mais ce mouvement des esprits, tout sincère qu’il soit, n’effacera pas en eux la profonde empreinte de tout un siècle de négation, de néant. Le monde a été trop longtemps sceptique pour n’en pas garder le pli. Cette récurrence au Christianisme ressemble, un peu voulue, à la comédie d’officielle piété de Napoléon rouvrant les églises et prenant des mains d’un Pape la couronne impériale. La volonté précède la foi, peut-être en tient lieu. Ce commencement du XIXe siècle est sans précédent, dans le tableau synoptique des époques de l’humanité : le sentiment de l’Art galvanisant les religions au lieu de se fonder sur elles, est né. Les légendes du Moyen-Âge, que la France avait jusqu’alors laissé piller pour des chefs-d’œuvres par les poètes étrangers, ressus-