se corrompre dans ses profondeurs, pour franchir tout-à-coup, grossi goutte à goutte par le tribut des générations, ses limites trop étroites à cette heure terrible de la tempête. — Dès le commencement du XVIIIe siècle le christianisme catholique a perdu sa vitalité. Les légendes du Moyen-Âge n’ont pas encore de fidèles. Les intéressantes erreurs cartésiennes ont déjà une valeur presque purement historique. Que reste-t-il ? Condillac et Laplace vivent, écrivent en même temps que Voltaire, mais une date n’a pas toujours tout le sens qu’elle semble avoir : leur influence est de demain. Aujourd’hui c’est Voltaire qui règne, c’est-à-dire moins que rien.
On dit « le siècle de Voltaire », qui avait dit « le siècle de Louis XIV ». Soit. Peut-être ont-elles, les deux époques, juste la valeur représentative de ces deux noms et si Louis XIV nous apparaît en bois, Voltaire, lui, est en boue. Il n’est plus neuf, Dieu merci, de dire que cet illustre héros d’esprit fut un imbécile[1]. Mais à prendre son œuvre pour l’expression du siècle où il régna il y a une tristesse d’autant plus sanglante qu’elle est mieux fondée Cette œuvre énorme n’existe pas. Qu’on l’ajoute au total des œuvres humaines ou qu’on l’en retranche, le total n’en varie pas d’une unité même infinitésimale. Rien en poésie, rien en
- ↑ « Le dernier des hommes après ceux qui l’aiment. » Joseph de Maistre.