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Le suprême de l’illimité et de l’indéfinissable ? Une goutte de l’océan de Dieu, pour Leibnitz… pour l’école de l’Ironie, une création contre la création, une reconstruction de l’univers par l’homme, le remplacement de l’œuvre divine par quelque chose de plus humain, de plus conforme au moi fini, une bataille contre Dieu !… Une préparation à la morale, les idées de Fichte : le Beau utile !… Le Rêve du Vrai !… Le Beau ! Mais d’abord, qui sait s’il existe ? Est-il dans les objets ou dans notre esprit ? L’idée du Beau, ce n’est peut-être qu’un sentiment immédiat, irraisonné, personnel, qui sait ?… »[1]

Le Rêve du Vrai. Il ne serait pas difficile de ramener à cette formule les définitions mêmes qui semblent s’en écarter le plus. Toutes, et jusqu’à celle de Fichte, supposent un au delà où se reposent des mornes incertitudes les âmes dans une clarté, dans un jour de fête, dans une illumination pour l’esprit de par ceux de nos sens qui sont accessibles aux jouissances des lignes et des nuances, des sons et des modulations, soit qu’elle se confine dans cette sphère des sens spiritualisés, soit, et comme le veut Fichte, qu’elle éclaire aussi la conscience. Mais qu’est-ce que cette jouissance des « sens spiritualisés », sinon le rayonnement de la Vérité en des symboles qui la dépouillent des sécheresses de l’Abstraction et l’achèvent dans les

  1. Edmond et Jules de Goncourt, Manette Salomon.