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rennité de notre âme. C’est le mot de lord Glanvill, cette phrase qu’Edgar Poe donne pour épigraphe à son poëme de Ligeïa et qui nous pénètre, comme une vivante vérité, d’un miraculeux et divin orgueil : « Il y a là dedans la volonté qui ne meurt pas. Qui donc connaît les mystères de la volonté, ainsi que sa vigueur ? Car Dieu n’est qu’une grande volonté pénétrant toutes choses par l’intensité qui lui est propre. L’homme ne cède aux anges et ne se rend tout à fait à la mort que par l’infirmité de sa pauvre volonté. »

Or, il ne faut pas beaucoup de métaphysique, il suffit d’un peu de réflexion pour se convaincre que cet inaccessible rêve est le fondement unique, le seul réel substratum de toutes nos certitudes même instinctives, même physiques. L’enfant doute si peu de l’absolu qu’il n’a pas, jusqu’aux fatales dépravations sociales de l’éducation, la notion du relatif ; et l’homme fait, quelles que soient ses tristes ou rassurantes convictions, projette et agit comme s’il ne devait pas mourir, a le sentiment inné de la permanence du plus réel de son être dans ses descendants, dans les œuvres de son esprit ou de ses mains, dans le bruit de sa parole, jusque dans les lettres de son nom gravé sur une tombe. Et c’était la doctrine de l’antique Égypte qui consacrait les forces entières de la vie à préparer le repos de l’être dans la mort, sa gloire dans le sépulcre que la résurrection viendra bien-