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Et il me semble mal venu, ce monde qui se repaît de choses frelatées, à nous taxer de bizarrerie, parce que nous avons choisi de lui déplaire plutôt que de trahir le besoin de vérité qui est en nous, à nous accuser de décadence, nous qui faisons, en dépit de lui, le grand effort de renouer les bonnes, les belles traditions qu’il a rompues. On ne peut nous comprendre, au dire des gens, et ils ont une odieuse façon de boulevart de proférer cette fausse modestie, ce pur déni de justice : « Ça n’est pas à ma hauteur »

— En effet.

IV

L’Absolu est humainement inaccessible et n’a de réalité qu’en nos désirs. Mais n’est-ce pas dans le chimérique et dans l’impossible que réside toute la réalité noble de notre humanité ? La satisfaction par le fini est l’incontestable signe de l’impuissance, parce qu’elle est la cause même des fatigues stérilisantes, une toujours plus approximante approche de la mort. Au fond de nous-mêmes ne le sentons-nous pas, que notre mort est faite d’une succession de terminaisons ? Si nous savions roidir notre volonté dans l’indéfectible rêve de l’Éternel et de l’Immense, de l’infini et de l’Absolu, la mort serait pour nous comme si elle n’était pas, accident comme indifférent à la pé-