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et si fort tient à l’ange filial l’âme féminine qu’elle mourra dans l’instant même où s’ouvriront les ailes.

Mais un Poëte ignorerait, bien souvent, son génie, s’il n’était averti par quelque grand malheur, — et ces ailes ne s’ouvriraient jamais si le persécuteur entourage, en somme et malgré tout s’habituant, laissait froidir sa haine. Qu’on suppose donc qu’un enfant « ordinaire » grandisse, frère plus jeune de l’ange. L’être horrible est caché plus qu’à quiconque à l’enfant, bavard sans doute, sûrement impressionnable et qu’on élève, consolation future, dans la détestation de l’extraordinaire. Ni cette éducation, ni le mystère dont tout de suite l’enfant se sent entouré, ne sont infructueux : l’éducation lui donne en effet les indestructibles convictions qu’on voulait et le mystère aiguise par la curiosité et développe l’intelligence. En sorte que l’atmosphère, autour de l’ange, crée le génie, mais que les hommes mauvais font de ce génie une expression sublime de leur ignominie. Or, l’enfant grandit : et le secret, il le découvre ; l’ange, il le voit. Ce que l’Ange peut dire et ce que l’homme peut répondre, c’est le cœur du livre. De ce dialogue, l’homme devrait mourir, il devient fou, momentanément, et sa folie, où l’effroi persiste, conseille d’écarter la cause du mal : on ouvre à l’ange les portes du cachot et l’ange prend son vol, en chantant….