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mais combien rares et reçues des salles de Premières avec quelle défiance ! Les Erynnies[1] n’auront fait que passer sur l’affiche de l’Odéon ; Le Baiser[2], est-ce bien le noble rire qu’il mériterait, celui qu’il excite ? n’a-t-il pas surtout le succès du calembour de ses rimes, bien loin en deçà de sa vraie signification ? Il a fallu le hasard d’un concours pour que le Nouveau Monde[3] fût joué, — échouât ; — Les Corbeaux[4], horrible souvenir pour les mémoires bourgeoises, honnêtes ! — Formosa[5] n’obtint que de l’estime ; — Le Passant[6] dut beaucoup à l’ombre de Musset… Non, les vraies gloires dramatiques de ce temps, — demandez à M. Sarcey, — c’est Le Monde où l’on s’ennuie et Trois Femmes pour un Mari. — J’exagère ?

Il est constant que l’actuel état du goût, en ce temps et en ce pays, la dépendance du Poëte envers l’éditeur qui sait « ce qui est demandé » dans les cabinets de lecture, envers le directeur qui sait les préférences des loges et du poulailler, envers le comédien qui « commande » son rôle, sont anormaux et imbéciles, meurtriers du développement libre du talent, exclusifs de toute sincérité.

  1. M. Leconte de Lisle.
  2. M. Théodore de Banville.
  3. M. Villiers de l’Isle-Adam.
  4. M. H. Becque.
  5. M. Vacquerie.
  6. M. François Coppée.