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paroles, pensées, sentiments et sensations d’un personnage précisé durant un temps donné. Ce travail, qui n’est pas littéraire, est en outre impossible. Édouard Dujardin est parvenu pourtant à un à peu près d’où résulte, par malheur, un pesant ennui. — Mais ce romancier, devenu poëte pour les étrennes de 1888, a eu l’intuition — qui l’eût fixé dans le chapitre des poètes s’il n’avait écrit jusqu’alors seulement en prose — de mélanger les vers et la prose en un poëme Pour la Vierge du roc ardent. Vraiment une intuition ou si ce n’est, plutôt, qu’un hasard ? Car, à dire vrai, ce poëme, quant à sa valeur et pris en soi, pourrait sembler d’inutile exécution. Il n’en faut pas moins noter, pour être très juste, qu’Édouard Dujordin aura le premier tenté la réunion des deux formes littéraires : que si sa prose manque de solidité et son vers de poésie, ses intentions restent louables.

Maurice Barrès a le sentiment des actuelles nécessités esthétiques foncières, formelles ; synthétiques et mystiques ; étrangères aux accidents et retranchant l’art le plus près possible de la pensée, dans l’Âme-même où, si le poëte l’avait voulu, trouverait aussi son asile le symbolique décor exigé par la Fiction. Ainsi procède-t-il, dans son livre[1] de successifs états d’âme d’abord pré-

  1. Maurice Barrès : Sous l’œil des Barbares.