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sairement. Et maintenant, comme tous les artistes significatifs de cette heure, le désir de tout dire l’a dissuadé de rien préciser, de rien trop détailler, pour la gloire de l’effet total à suggérer, de laisser les choses s’envaguer doucement, d’indiquer l’idée par l’émotion picturale et musicale des sentiments et des sensations. Mais il est resté fidèle au bon rhythme ancien, seulement délivré des entraves inutiles, dangereuses au symbole. Si ce poëte n’a pas de sensualité, — peut-être, sans doute, — il ne manque ni d’intelligence, ni d’imagination :


…Sur la plus haute tour d’un palais renaissance,
Fleur de pierre immobile au bord du flot qui bouge,
Une vierge au longs yeux où sourit l’innocence,
Une vierge apparaît, blanche sur le fond rouge.

Et sur la balustrade étendant sa main lente,
Elle contemple longuement, la vierge blanche,
La gloire du soleil dans la mer rutilante,
Et rêve, et son front haut sous son rêve se penche.

Reine captive ou fée au pouvoir des génies,
Regarde-t-elle au ciel changeant les silhouettes
Des Rois libérateurs dont les armes bénies
Pressent à l’horizon leurs batailles muettes ?

Dans l’éblouissement des chimériques flammes
Où l’avenir ouvert à ses yeux étincelle,
Voit-elle, déroulé pour les épithalames,
Le cortège du bel Élu qui vient vers elle ?

Ou, Rosa Mysticissima, l’Immaculée
Cherche-t-elle parmi l’embrasement des nues
La face de son Dieu doucement dévoilée
À l’extase de ses prières ingénues "?…[1].

  1. Ernest Jaubert, Poëmes Stellaires.