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leurs, je sais de lui, dans ses Légendes d’âme et de sang, de beaux vers, tel celui-ci :


Nu du nu grandiose et pudique des roses.


Et, pour préciser, les imprudences de René Ghil avaient leur cause dans un sentiment confus mais très vif du véritable avenir. Encore une fois il pécha par trop de hâte et un peu de chanceuse jeunesse.

Constatant les souverainetés les Harpes sont blanches ; et bleus sont les Violons mollis souvent d’une phosphorescence pour surmener les paroxysmes ; en la plénitude des Ovations les cuivres sont rouges ; les Flûtes, jaunes, qui modulent l’ingénu s’étonnant de la lueur des lèvres ; et, sourdeur de la Terre et des Chairs, synthèse simplement des seuls instruments simples, les Orgues toutes noires plangorent[1]… »

Etc. !

René Ghil a eu le tort, surtout, de prendre au sens littéral, un peu naïvement, le sonnet des Voyelles d’Arthur Rimbaud. Tous les journalistes ont fait de même, et que de « gorges chaudes » ! comme on dauba sur le grand poëte :


A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu…


et les journaliste ne soupçonnaient point de quel rire énorme eût ri l’absent s’il les eût entendus ! Car ces bonnes gens donnaient de tout leur cœur dans le panneau qu’avait pensé à leur préparer —

  1. René Ghil : Traité du Verbe.