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effort et je l’inscris comme un des signes les plus nets qui marquent le désir d’une Nouveauté, en effet, dont l’avènement plane autour de nous.

Louis Dumur a écrit un roman de psychologie, Albert, « très moderne, » d’un moraliste triste à qui tout manque de ce qu’on nomme Bonheur, pour trop de désirs en des jours, dans un monde trop réduits.


René Ghil, lui, quoique étranger encore[1], s’en tient à l’ancienne prosodie, parce que M. Mallarmé s’y tient aussi. Mais René Ghil se revanche de cette simplicité en écrivant obscur parce que M. Mallarmé a dit que la clarté est une grâce secondaire. René Ghil, en effet, a passé, passe encore auprès des mal informés, pour l’officiel disciple de M. Mallarmé. Mais ce poète n’a pas ouvert d’école. Tous un peu sommes nous les sujets de sa pensée, personne ne l’a plus imprudemment interprétée que René Ghil. À celui-ci exceptionnellement soyons sévère, car il a fait tout ce qui était en lui pour compromettre l’art qu’il croyait servir. Il fut sincère, on n’en doit point douter, mais il fut trop hâtif, ambitieux d’un titre et de ce bruit des journaux où le talent court des risques. D’ail-

  1. Belge. C’est une des singularités du mouvement dit décadent que, si français par son origine baudelairienne et verlainienne, il fut, en ces derniers temps de sa plus retentissante période, comme capté par des écrivains jeunes de races étrangères à la nôtre.