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moins possible de son amiperdu, est un des artisles les mieux, informés de leur art, en ce temps. Celui-là, essentiellement, pratique un art symbolique et d’aspirations synthétiques. Le titre-même du livre qu’il a publié, Les Palais Nomades, est significatif à la fois du sens des pensées et des motifs de la forme du poëte. « Voix errantes » diraient à peu près ce qu’il entend par ces « Palais nomades ». Des accents de toutes parts s’élèvent, se rencontrant parfois dans un unisson, voix plus souvent séparées, en de dolents caprices, en de capricieuses fatalités. Pour dire ces choses, il a choisi des airs, des phrases dans la musique des syllabes et, je crois bien, n’écoule ce qu’elles disent que dans ce qu’elles sonnent, fait pure abstraction de voir afin seulement d’ouïr. Et pour régler les directions de son « thème » et de ses variations, il n’a voulu que ses sentiments : d’où cette liberté, pour lui une loi, des vers qui jamais ne s’ordonnent entre eux selon leurs nombres appareillés, mais vont, d’allures apparemment avantureuses, vers de dix-sept et de deux syllabes à l’encontre, selon que le sentiment atteint une expansion ou rentre en soi. Encore une notation musicale au gré d’une psychologie passionnelle ; le vers et la prose se mesurent et se mêlent : peut-être la prose y gagne ; le vers y perd sans doute. Car, en ce désir légitime d’affranchir de toute injuste contrainte la forme poétique, assurément convien-