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voir, que les vers se combinent en strophes dont les libertés soient du moins soumises à la symétrie, Moréas garde le respect des poëmes à formes fixes, desquels le Moyen-Âge qu’il aime tant a fait un usage si charmant.

Jules Laforgue est comme unique, non point dans cette génération, mais dans la littérature. Il semble avoir connu tous les désirs que de plus audacieux, de plus mal avisés, peut-être, tentent de réaliser et les avoir, lui, résolus en sourires excessifs qui feignent de se contenir, grands gestes arrêtés court, vers et proses dans un sérieux, plutôt qu’une gravité lyrique disant des choses folles, fines et profondes. Une âme blessée et très « polie » : ne pouvant se taire de chagrins cuisants, elle avait pris le parti de les offrir en gaîtés. Le poëte a pourtant des plaintes et des plus singulièrement stridentes :


Ah ! que la vie est quotidienne !


ou bien :


Je suis trop jeune, ou trop agonisant.


Mais il préfère, à l’ordinaire, et même s’il parle de lui-même, s’en tenir à cette ironie délicieuse qu’il a seul dans la poésie française, et qu’il a seul à ce degré de finesse, de pointe pénétrante, dans toutes les poésies. Cette ironie — qui se réduirait à cette double constatation : du sentiment précis que