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À vrai dire, dans cette singulière dispersion des jeunes écrivains qui la représentent, il semble difficile, d’abord, de démêler leurs traits communs. Les Romantiques, les Parnassiens, les Naturalistes étaient groupés, — embrigadés ? peut-être, — du moins se réunissaient, savaient, tous, les projets de chacun. Les nouveaux poëtes et les romanciers nouveaux ne se rencontrent qu’au hasard de la vie, travaillent très séparés, s’éviteraient plutôt. Pourquoi ? serait-ce qu’on peut, en effet, sans inconvénient s’unir pour regarder la vie ou la gesticuler, comme ont fait Naturalistes et Romantiques, — ceux-ci de théâtre, et point fâchés de s’applaudir ou de se « siffler » les uns les autres, ceux-là de laboratoire, et ravis de se pencher sous la même lampe, sur le même microscope ? Serait-ce qu’on peut s’unir encore, et qu’il le faut sans doute, pour s’opposer aux invasions, dans l’Art, des étrangers et des barbares, pour défendre contre eux la Forme ? — Mais aussitôt cette besogne faite, voyez les Parnassiens se séparer pour écrire à l’écart une œuvre personnelle où chacun prenait avec la forme elle-même des libertés jadis systématiquement interdites. Oui, on peut s’unir pour l’Analyse : la Synthèse sépare. Le « tout en un » fait que personne n’a besoin de personne. Il faut la solitude pour laisser la vie converger toute en une seule intelligence et toute fleurir sous une seule main. — Cet aspect