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gène Carrière nous offre un tout différent témoignage et aussi probant. M. Carrière, le plus contesté des artistes par la critique officielle, parce que, sans doute, il apporte les plus précieuses nouveautés, a été blessé par l’erreur où nous induisentles effets de l’immédiat, les pleins jours, les midis de la distance. Il s’est convaincu qu’il faut très peu de chose pour peindre, et, couleur et caractère, il ramène tout à l’unité. Pour voir plus vrai, il se recule de l’objet, il laisse intervenir entre ses yeux et la nature cette justesse de l’éloignement qui symboliserait dans le domaine des formes la justice des années dans le domaine des mœurs et des événements. Il saisit le visage humain dans cet instant où les formes atténuées vont s’affirmer, gardent la joie de comme encore un futur, effacent de tout esprit la prétention de fixer la nature et de lui donner, une apparence de tangibilité, au contraire ordonnent de croire que ces formes sont restées mobiles — comme elles étaient dans la vie — sur la toile, mais y prennent l’accent fantômal d’une apparition. Carrière dévoile, lui qui semble voiler. Il interprète l’apparence vers le rêve de la réalité qu’elle comporte. Il exprime de cette apparence ce qui naturellement se suggère d’elle, mais ce que le génie seul pénètre, la réalité de l’âge et du visage, et l’exprime par de mystérieuses touches qui, se gardant de tout dire. — par quoi l’âme, sans désormais l’espoir d’un désir encore, serait moins com-