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que ce soit à la musique qu’elle demande ce secret… Mais n’ont-elles pas toujours, en quelque sorte, flotté l’une autour de l’autre, ces deux formes de l’Art : le Vers, la Note ? Les Romantiques eux-mêmes, je parle des plus grands, ont-ils pu peindre autrement que par un symbolisme musical ? Les Naturalistes, pour se rapprocher davantage de la peinture seule, ont dû renoncer au Vers ! Orphée chantait…

Cependant, et tandis que la musique et la poésie cherchent à se suppléer l’une l’autre ou à se mêler, uneanalogue impulsion fait que la Peinture s’ingénie à se créer, dans ses limites, des moyens nouveaux — musicaux et poétiques — d’harmonie et de rêve. Plus qu’ailleurs est manifeste cette tendance en ces maîtres que je nommais et auxquels il faut joindre et M. Monet de qui je puis dire, sans la banalité prétentieuse de la « critique d’art », qu’il fait vraiment « chanter » la couleur, et M. Raffaelli, ce moderniste et, comme il veut, ce caractériste, qui cherche dans un visage le sens de la physionomie, dans une attitude le sens du geste, — et MM. Fantin-Latour, Ribot… Aucun de ces peintres n’outrepasse les limites providentielles, n’assigne à son art un but situé hors de ses naturelles prises, tous gardent le très légitime souci d’un métier dont, plus qu’on fit jamais, ils ont approfondi les secrets. Mais autant qu’ils peuvent, ils éloignent ce but pour s’approcher davantage de