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Les Classiques, épris de dire l’âme même, auraient préféré l’architecture, cet art noble et spirituel qui s’adresse aux sens aussi peu que possible. Les Romantiques séduits par le pittoresque, et les Naturalistes, par l’aspect extérieur des choses, auraient naturellement choisi la peinture : et il est remarquable, en effet, que le mouvement naturaliste fut inauguré par deux peintres, Courbet et Manet. Enfin les Décadents ou Symbolistes, venus pour dire le sens intime des êtres et des choses, salueraient dans la musique l’art le plus voisin de leur idéal, et M. Brunetière observe que la plupart des titres des livres de vers décadents :Romances sans paroles (M. Verlaine), Complaintes (Laforgue), Cantilènes (M. Moréas), sont pris dans le vocabulaire musical. — Il y a beaucoup de vérité dans ce système : je crois qu’il y a aussi de l’arbitraire. D’abord, l’architecture, elle-même une miraculeuse synthèse de l’Art, est, selon les divers ordres, aussi volontiers sensuelle et sentimentale que spirituelle. Une me semble pas, en outre, que les Classiques aient été bien spécialement requis par l’architecture non plus que par aucun autre art. Tout ce que dit M. Brunetière des prédilections romantiques et naturalistes pour la peinture est d’une vérité historique. Mais qu’il veuille bien le remarquer : les nouveaux poëtes, quoiqu’ils aiment, en effet, ardemment l’art des beaux sons, n’ont pas pour cela oublié l’art des belles couleurs.