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que nouvel argument en faveur de l’affirmation : mais, la négation, il se gardera bien de l’effacer car il soupçonne, à part lui, qu’il va rencontrer, à l’improviste, n’importe où, une preuve irréfragable que le plus sage parti est de nier.

Le Dilettantisme est l’anesthésie — pour parler ce langage ! — des facultés créatrices par l’hypertrophie des facultés compréhensives. En religion, en philosophie, c’est la mort et le néant ; en art c’est tout ensemble un grand danger et une grande sauvegarde. N’ayant point de foi, le dilettante est infécond et le sourire supérieur de cet homme dont le regard, le geste, la parole révèlent l’intelligence extraordinaire, intimide chez les autres la création. Mais n’ayant point de parti pris, il est juste. Où l’homme d’action esthétique, emporté par sa passion, par les préférences naturelles de son génie, condamne ou loue trop vite, le dilettante fait les parts de la volonté et du hasard, les réserves du goût, et s’abstient de conclure. — Le dilettantisme est pour le génie une sorte de mort attrayante. C’est l’abîme ou risquent de sombrer, volontairement à demi, ceux qui sentent leur vision par trop inégale a leurs moyens de réalisation. Quoique le dilettante semble goûter de tous les plaisirs également, il souffre plus qu’un autre, ne pouvant choisir. Son mal est, par excellence, la forme élégante de l’Ennui.

Le Dilettantisme est un des principaux dissol-