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delaire, Stendhal — vers le vrai but, il a bifurqué tout à coup, non pour revenir sur ses pas, mais pour s’égarer, par les tristes chemins que hantent les lassitudes et les concessions, vers les régions malsaines où règnent MM. Daudet et Loti. — De cette conversion déplorable ne parlons pas davantage et souvenons-nous des anciens mérites. — La voix de M. Bourget a toujours été faible, mais elle a été juste, aristocratique et pénétrante. Dans ses vers[1], qui sont d’un délicieux lakiste presque tous, il atténuait la grande beauté sombre de Baudelaire — et ce cri de râle ! — jusqu’à la plainte d’une âme où l’intelligence étouffe le cœur, et trouvait le secret d’être poète avec une psychologie un peu neutre, plus craintive qu’angoissée. Dans ses nouvelles et dans ses premiers romans il signifia une réaction contre l’excessif Naturalisme, dont, toutefois, il retenait des qualités, car et parexempb « la légère idéalisation dont il nimbe ses figures de femmes ne les rend pas irréelles[2] ». — Sans doute, M. Bourget n’avait pas les qualités de puissance nécessaires pour rejeter l’art, d’un chemin qu’il devait avoir parcouru mais où il ne devait pas s’attarder, dans la vraie et large voie de la Synthèse. Il y eût fallu un cerveau plus métaphysique,

  1. La Vie Inquiète et les Aveux. Autrement parlerais-je d’Edel et des vers, lus ça et là dans les revues, qui composeront les nouveaux recueils de M. Bourget.
  2. Émile Hennequin.