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que, puisque la « littérature est l’expression de la société ».


II


Non, une telle littérature n’est pas l’expression moderne de la société ; la pluralité des suffrages n’est pas le véritable esprit des peuples et, telle quelle, une littérature qui ne chercherait pas la faveur des Barbares resterait l’expression vraie d’une société qui n’a plus guère de réalité qu’en une infinitésimale portion d’élite, au delà des bruits de l’industrie, des vagissements de la politique, des complaisants applaudissements d’une assemblée mondaine et de toute cette creuse clameur qu’une civilisation ruineuse et vertigineuse et tournoyante aux remous du Maëlstrom inventa pour s’épargner la peine de penser, silencieusement.

Mais l’isolement où les Barbares ont relégué les Poètes les conduit au triomphe de la formule ésotérique — proclamée désormais sans danger, puisqu’il n’y a plus de silence, — les force à s’enfermer dans les limites providentielles de l’Art et du Génie. Ce qu’il adviendra de cette banqueroute de l’Art et du Génie au monde, qu’importe ? Qu’importe : elle est fatale et la peine serait perdue qu’on prendrait à s’efforcer de la prévenir. Et puis, il n’est point plaisant de calculer la durée possible des œuvres d’art et des livres. Ce n’est