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subtil mais plus retentissant que celui de M. Mendès, est aussi surtout un artiste. D’un rêve d’or et de sang, bellement théâtral, il fait des poëmes sans pensées et pleins de mouvement et de couleur, des vers sonores et rudes.

M. Armand Silvestre, en qui le prosateur rendrait injuste pour le poëte, — le poète éperdu de seul Lyrisme, — a écrit, dans les Paysages Métaphysiques notamment, quelques-uns des plus beaux vers que je sache. Le titre-même de cette partie du premier recueil de M. Silvestre indique comme ce chanteur, qui laissa, depuis, la sensualité déborder dans son œuvre, avait le sentiment juste des voies nouvelles.

M Léon Cladel, élève de Charles Baudelaire, reste l’inspiré de ses ciels et de ses champs du Rouergue. La Ville lui apprit que les Champs, pour elle, constituent une ultima Thule et il chante les Champs avec l’accent d’un campagnard qui sait, plein de ruse, comment présenter aux citadins, pour les étonner, les simples fruits. Il n’a pas le vers, mais il a fait de sa prose, ce styliste effarant, un véritable instrument de poëte, plus apte toutefois à rendre les émois et les efforts physiques que des sentiments, des idées et des pensées. Mais, comme il magnifie dans l’intensité d’un rêve épique ses actions et ses personnages, on peut dire qu’il leur donne dans l’esprit du lecteur un nimbe d’héroïsme.