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erreur, — la nécessité d’un instant. Quant aux animaux de M. Leconte de Lisle, ils n’ont souvent guère plus de vie que des figures peintes. Ils sont décrits. Les procédés mêmes de cette description manquent parfois de subtilité. Ces éléphants qui ébranlent le sol, et sont caractérisés surtout par le bruit qu’ils font, sont un peu convenus et c’est ici la vérité des détails qui fait défaut. Rie’n de ce frôlement du gigantesque vieux moine traînant ses savates qui désigne surtout la marche de l’éléphant, et rien de ce balancement rhythmique et sacré de la tête énorme et de la trompe… — Et puis, à un autre point de vue, cette philosophie du néant est plus faite de mots que de pensées.

« M. Théodore de Banville est, par son génie, le contemporain de la génération qui monte. S’il se console de vivre dans notre époque positive et triste en se souvenant des origines helléniques de la race, il a pourtant senti et connu tous nos maux. C’est celui de nos Maîtres qui a sur l’avenir la plus vive et la plus heureuse influence[1] ». Ce n’est pas assez de dire que M. Théodore de Banville est le plus grand des poètes vivants qui ont réalisé leur œuvre, je crois qu’il a pour âme la Poésie elle-même. Par quel prodige, au milieu de ce siècle de critique et tout en subissant comme un autre les misères de ce siècle, dans ce pays de censure et

  1. Je cite une phrase d’un livre récent : Nos Poẽtes, par M. Jules Tellier ; — je cite… en rectifiant.