Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prédomine, il est vrai, l’élément-artiste sur l’élément-poëte.

Flaubert et M. Leconte de Lisle sont les derniers Poẽtes historiques. En eux — et là n’est point leur mérite — le scrupule d’être vrai, ce soin de la « vérité des détails » dont parlait Balzac, devient une tyrannie : pourtant ils restent fidèles au commandement de la Fiction, mais ils ne lui donnent aucun accent nouveau. La Tentation de St-Antoine et Salammbô, Les Poẽmes Antiques et Les Poèmes Barbares sont des fictions de même ordre que les Martyrs et Notre-Dame de Paris. Le seule différence quant au fond est dans le moins et le plus d’exactitude du détail. Dans la forme, toutefois, et dans le sentiment qu’elle exprime, dans le choix aussi des sujets il y a une nouveauté capitale. Flaubert et M. Leconte de Lisle crient moins violemment, plus sourdement que leurs prédécesseurs : mais leur plainte est plus intense et révèle une souffrance plus sincère. Ce n’est plus d’un chagrin d’amour qu’ils se lamentent. Leur mal est dans leur essence même, dans l’effroi de ne rien savoir, dans

La honte de penser et l’horreur d’être un homme.

Et, point notable, elle est, leur plainte, quoique plus profonde que la déjà surannée plainte romantique, beaucoup plus mesurée, esthétiquement plus belle, d’une beauté qui comble, sans peut-être qu’ils y pensent, la moitié du désir d’au