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Flaubert et Sainte-Beuve, si diversement, avaient donc refaçonné la prose française. : ce qu’ils avaient fait pour la prose fut fait pour les vers, par M. Leconte de Lisle, M. Théodore de Banville et les Parnassiens[1].

Les ridicules imitateurs de Lamartine, de Musset et d’Hugo, et Hugo lui-même — le philosophe vague de Religions et Religion et de L’Âne — avaient relâché le Vers : indigence des rimes, odieux remplissage, chevilles et laisser-aller, le Vers entre leurs mains était devenu flasque, mou, sans corps et sans tête, vide et gonflé, — il venait à rien. On croyait le remplir par d’ineptes cris qu’on prenait pour de la passion et par des lieux-communs qu’on prenait pour de la pensée. À ce débordement des lâchetés et des nullités M. Leconte de Lisle, avec un sens très sûr des nécessités du moment, opposa la forme châtiée, austèrement belle, et l’impassibilité morale. M. Leconte de Lisle est un grand artiste conscient et son œuvre triste et haute a d’imposants aspects de perfection. — Les meilleurs parmi les jeunes esprits le suivirent. Pour eux, la forme irréprochable et la pensée froide furent des mots d’ordre. Le Parnasse, qui est la symétrique contradiction du groupe romantique, a rendu à

  1. À cette œuvre, comme nous l’avons vu, Baudelaire ne fut pas étranger : mais il a paru logique, l’influence de Baudelaire étant plus quant au fond qu’à l’expression, d’en traiter avant de parler de la toute formelle doctrine parnassienne.