Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lendemain emprunte plus d’éclat au voisinage de cette ombre. Mais Wagner a parlé, et la Science, adjuvant l’Art, lui offre de miraculeux moyens de réalisation : aujourd’hui E. Poe dirait que le caractère essentiel et fondamental de la Beauté, c’est la Joie[1].

L’heure d’E. Poe est celle de Baudelaire. Baudelaire a comme recensé nos motifs de tristesse. Il a, comme un prince des ténèbres, tracé dans l’Art un rayon de lumière noire, — « révélé la psychologie morbide de l’esprit quia atteint l’octobre de ses sensations ; raconté les symptômes des âmes requises par la douleur, privilégiées par le spleen ; montré la carie grandissante des impressions, alors que les croyances, les enthousiasmes de la jeunesse sont taris, alors qu’il ne reste plus que l’aride souvenir des misères supportées, des intolérances subies, des froissements encourus par des intelligences qu’opprime un sort absurde[2] ». Sa gloire est, « dans un temps où le

  1. dgar Poe est le dernier Poëte étranger dont on aura parlé ici. D’autres pourtant semblaient s’imposer dans cette revue, quoique si succincte, des essais de synthèse et des influences : Hoffmann, par exemple, et surtout Carlyle. Mais Hoffmann est plutôt une exception — combien délicieuse ! — qu’une influence. Quand à Carlyle — plutôt, d’ailleurs, philosophe que poëte — on peut prédire que sa pensée laissera une trace profonde dans la génération nouvelle. Malheureusement, son œuvre n’est pas encore traduite. (On a de bonnes raisons pour croire que la traduction nécessaire ne se fera plus longtemps attendre.)
  2. J.-K. Huysmans.