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profondément religieux, n’a guère plus que Balzac et non plus qu’aucun autre accompli l’union fondamentale de la Religion et de l’Art par ce retour qui s’impose, inévitable ! à l’unité primitive de la Vérité et de la Beauté. Sa pensée, qui plus directement que dans ses drames se livre dans ses écrits théoriques[1], n’est pas équivoque : Wagner n’a pas vu le rôle divin de Religion Suprême qui incombe à l’Art Suprême. Il limite l’Art, dans ses tendances vers la Vérité, à faciliter l’intelligence de la vérité divine que renferme la religion, par une représentation idéale de ses allégories. Mais de quelle religion parle-t-il, en ces temps nouveaux où la Critique a mis en lambeaux les Mythes que

  1. « On pourrait dire que, quand la religion devient artificielle, il appartient à l’art de sauver l’âme de la religion en rendant à leur valeur figurée les symboles mythiques que celle-ci prend au sens propre pour mettre en lumière la vérité contenue dans leurs représentations idéales. Tandis que le prêtre s’applique à considérer les allégories religieuses comme des vérités de fait, l’artiste, au contraire, donne ouvertement et librement son œuvre pour un fruit de son invention. Mais la religion ne peut vivre pourl’art qu’autantqu’elle enveloppe ses symboles dogmatiques, et qu’elle voile son élément de vérité sous un entassement toujours croissant de choses incroyables qu’elle impose à la foi. Elle l’a senti, et c’est pourquoi elle a toujours recherché le concours de l’art qui n’a pas pu lui-même arriver à son plus haut développement tant qu’il a dû représenter cette prétendue réalité des symboles sous forme d’idoles destinées à favoriser l’adoration sensuelle, le culte, et n’a rempli sa véritable mission que lorsqu’il a facilité l’intelligence de la vérité divine, inexpressible, que renferme la religion, par une représentation idéale de ses allégories. »