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peut-être parce qu’il n’avait pas soumis les autres arts à la Poésie, Wagner a été conduit à supprimer cette comédie seconde, à deux personnages, la Scène et la Salle : comédie que je regrette dans ce théâtre où seule est éclairée la Scène, comme pour, par un procédé trop initial, conventionnel, et qui par ainsi ne prouve plus rien, attester que le Rêve, visible seul, est seul en cause, que cette lumière impose le silence à cette ombre. (Ou peut-être aussi serait-ce le tempérament français, latin, qui rélucte contre cette arbitraire ordonnance du Maître allemand ?) C’est le malheur de l’Art qui a voulu que Wagner fut plus musicien que poëte. — Wagner fait la synthèse des observations et des expériences dans la Fiction. Mais cette fiction, quelle est-elle ? Historique, encore qu’elle recule l’Histoire jusqu’aux limites de la Légende. Elle évoque une heure, un lieu connus. Il eût été bien digne de Wagner de conclure (après tous les efforts des Poëtes précédents vers le rêve au moyen de ce subterfuge : l’éloignement dans l’espace et dans le temps) par la suppression du temps et de l’espace, par l’épanouissement du Rêve en sa propre patrie qui est sans heure et sans lieu, non pas l’oublié, mais l’inconnu, non pas le trop distant du sol précis qui porte nos pas, mais ce beau Pays qu’on ne verra sur nul continent. — Enfin Wagner, quoique aux splendeurs de son drame musical il n’ait pas manqué d’ajouter la puissante Grâce d’un caractère