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du monument de Balzac est plus artificielle que réelle. Sans doute fallait-il la fonder sur les idées et non sur les personnages. Mais, — et je n’ose ce reproche qu’en protestant de mon culte pour ce tout-puissant génie en qui nous ne pouvons voir des ombres qu’aux lumières, au reflet de sa propre clairvoyance, — le tort principal de Balzac est de ne s’être pas contenté de ce « Beau idéal » dont il parle, d’avoir laissé, comme il la trouvait, l’âme humaine scindée entre une Religion et un Art qui dès alors commençaient à divorcer, l’âme en croix entre la Religion de la Croix et les joies de la Beauté pure et libre, de n’avoir pas deviné, lui qui avait deviné tout, excepté cela, que l’Art ne s’adresse pas seulement à une part de l’âme, qu’il veut tout parce qu’il porte en lui le secret de tout, parce qu’il peut contenter tous les désirs. Cette vérité, Balzac l’eût comprise si le « vrai dans les détails » — qui était si nouveau à cette heure — n’eût accaparé sa majeure attention, ne l’eût distraite de « l’auguste mensonge. » De là certainement viennent ces taches qu’on regrette dans le style de La Comédie Humaine et, parfois, ces légères insuffisances de la pensée. Le plus grand esprit du monde s’expose à bien des hasards si, dans

    la connaît, Lamartine essaie de la réaliser : Jocelyn, Les Pécheurs (livre perdu), La Chute d’un Ange sont les épisodes d’un seul et immense poëme. Mais cette idée, c’est Balzac qui l’a conduite le plus loin.