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qu’ignorât le populaire et lui servaient de belles fables où la Vérité s’enveloppait de symboles. Les civilisations antiques ont précisément péri de l’intrusion d’indignes adeptes dans le collège des Initiés : comme les hommes ordinaires ne pouvaient supporter la pleine lumière de l’Initiation, ils l’éteignirent. — Mais comment nos modernes, lestés de toute l’expérience de l’histoire, n’ont-ils pas vu que le principe même de la vulgarisation est faux ! Elle doit être claire et définitive, n’est-ce pas ? Et qu’ont-ils donc de si définitif, quand leur vie se consume en discussions sur les premiers principes ? Fatalement, dès lors, le savant qui parle à d’autres qu’à ses pairs, celui qui propage et vulgarise, est conduit à prêter l’autorité d’un dogme à ce qui n’a que la valeur d’une opinion, — étant donné surtout qu’il doit se maintenir dans les généralités, sans descendre jamais à ce fond ténébreux strié de lumières où l’on sent la Vérité poudroyer à l’infini sous le doigt qui la presse. Qu’est-ce donc qu’une telle vulgarisation, sinon celle de l’erreur ? Et cette vulgarisation, encore, doit être claire : c’est-à-dire que le savant s’y doit efforcer d’épargner à l’ignorant les peines de l’initiation. Mais à ce prix la Vérité demeurerait incommunicable ! À supprimer, entre le mystère et l’explication, l’initiation des recherches, on ne pourrait que rendre l’explication même mystérieuse. Et c’est ce qui a lieu. « La science consiste à