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Il y en a d’autres, et ces deux autres causes sont les parts de son génie pour lesquelles l’époque actuelle peut surtout l’aimer. Cet homme qui a honte des devoirs de la vie civile, et qui vit « misérable et presque ridicule sur une terre assujettie », qui parle avec l’accent d’une conviction singulièrement présente de la liberté naturelle de l’amour, a, comme Shelley, à la même date, le sentiment moins lyrique et plus pénétrant d’une poésie panthéistique où l’homme, non pas s’abîmerait dans la nature naturelle, mais redeviendrait fidèlement et vraiment le fils de cette nature et porterait sa ressemblance. Cette ressemblance, Obermann la trouve en lui et en conçoit cette fierté qui le place intérieurement auprès de l’homme tel qu’il serait. Il la trouve dans cet instinct qui, plus qu’à nul autre, lui livre le sens des choses de la nature, surtout des fleurs : « Ce serait assez de la jonquille ou du jasmin pour me faire dire que, tels que nous sommes, nous pourrions séjourner dans un monde meilleur. » On dit que cet Obermann, comme tous ses contemporains, a lu Rousseau, qu’il lui a pris et ce dégoût de la société et cet amour de la nature : mais on oublie que ce dégoût et cet amour sont l’un et l’autre fondés sur une très intense vie intérieure, si intense qu’elle ne cède peut-être, en sa date, qu’à l’effrayante et perpétuelle méditation de Balzac. C’est la seconde et la plus noble des deux causes que j’annonçais,