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bué à exaspérer la vanité des gens. Depuis qu’ils savent l’adresse du libraire qui peut leur procurer pour des prix modiques l’explication de la Création, depuis qu’ils ont entendu dire que tout se réduit à A = B, l’arrogance des imbéciles a bien grandi. Que leur parlerait-on encore de la profondeur des Mythes et de la beauté des Fables ? Ils ne veulent plus que des formules, 2 et 2 font 4, il n’y a que cela au fond de tout, — et 2 et 2 font 4 ont supprimé la Grâce de l’Esprit. L’Esprit ! il est bien question de lui ! on ne veut plus que de l’Intelligence et, par un symbole trop clair, on n’a laissé à l’esprit — jadis le divin Spiritus — que le sens d’un calembour. — Car à ce débordement de la Science hors de son domaine propre, nous devons une altération spéciale de la langue, l’invasion des mots pédantesques. Il n’y a plus de repos pour un honnête homme, depuis qu’il est exposé à lire, à entendre où ils n’ont que faire des vocables barbares et froids comme individuation, concept, etc. — À un point de vue plus particulier les divulgateurs surtout des Exégèses sont coupables. Les gens ont été terriblement flattés d’apprendre que Moïse n’était qu’un médecin, Jésus qu’un homme et — le niveau du monde en a été baissé. Bien plus avisés, bien plus compatissants aussi que nos modernes aux faiblesses humaines furent les prêtres de l’antiquité qui gardaient aux prudences de l’Ésotérisme ce qu’il était bon