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qui furent, d’ailleurs, pour la plupart, mêlés à l’un ou à l’autre de ces deux derniers mouvements, découvraient ou plus vaguement pressentaient un idéal esthétique plus complet que celui d’aucune école, plus lointain, dégagé des lenteurs de toute analyse, plus large et pourtant plus aigu, convoitant un domaine universel où il se spécialiserait vers l’Absolu. Aucun des Poëtes, — pourtant suprêmes, — dont je vais maintenant parler avec une joie respectueuse, ne fait lever en nous cette admiration comblée, parfaite, que nous rêvons. En aucun d’eux n’éclate ce génie dont parle Edgar Poe, « qui résulte d’une puissance mentale également répartie, disposée en un état de proportion absolue, de façon qu’aucune faculté n’ait de prédominance illégitime. » Sans doute, ce génie-là refusera toujours de naître, pour ne pas décourager l’avenir. — Mais tous ont des lumières qu’avant eux on n’a pas eues. Leurs livres entr’ouverts ouvrent des voies, à qui sait lire, nouvelles et de perspectives infinies. Rien ne sera nouveau qui ne leur doive une vénérante reconnaissance.

Châteaubriand et Gœthe sont aux sources du courant moderne, aux deux angles de base du grand triangle spirituel dont le sommet se perd dans l’infini. En eux l’esprit mystique et l’esprit scientifique, presque également sensualistes, l’un et l’autre, mais très différemment, se recueillent