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petitesse du résultat exagère leur dessein. Dans ce résultat comment se tenir ? Comment s’en contenter ? Et la plupart des Naturalistes le dépassent en effet, — les uns par ambition et vers le passé, comme M. Zola qui s’est fait le V. Hugo du mouvement, les autres par intuition et vers l’avenir, comme M. de Goncourt et M. Huysmans.

Mais la queue ne dépasse rien : les imitateurs sont plus fidèles à la Formule que les maîtres. Les jeunes Naturalistes — ils sont déjà bien vieux ! — copient patiemment la nature à peu près tel qu’un aveugle la verrait. Eux, ils ne transigent pas : plus d’âme décidément et pas la moindre issue dérobée par où pourrait pénétrer le Rêve. Laboratoire et Document ! Ces pauvres jeunes gens doivent bien s’ennuyer. Ils n’écrivent, sans doute, que lorsqu’ils sont de mauvaise humeur. À coup sûr, s’ils ont des « instants de Poète », ils jouent au baccarat ou fument des cigares, dans ces instants-là.

De leur œuvre et de celle de leurs maîtres fuse l’ennui. Ce n’est plus le désespoir qu’ont produit les Classiques et dont les Romantiques se sont follement enorgueillis : c’est tout simplement un ennui bête, animal, un écœurement, un dégoût… Peut-être vient-il, ce dégoût, des excès de dépenses physiques qu’on fait dans les romans documentés : Omne animal post coïtum triste… Et, comme nous le verrons, le roman psycho-