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ou suggère, c’est une simple ineptie. Cette ineptie, les Naturalistes ont, autant que possible, essayé de la réaliser et ils ont inventé ce qu’on nomme le « style descriptif ». La description naturaliste consiste, un paysage — par exemple — étant donné, à le rendre, par l’écriture, tel que tout le monde le voit, dans sa « vérité externe ». Ces deux derniers mots n’ont que l’inconvénient de ne pouvoir être joints : en art, il n’y a pas de vérité externe. L’aspect photographique des choses, outre qu’il est matériellement faux, n’est que le sujet de l’œuvre d’art ; l’œuvre d’art commence où cet aspect s’arrête, elle est dans l’au delà de cet aspect, et cet au delà est dans l’âme de l’artiste. L’œuvre d’art, c’est le sens que Corot et Cazin dégagent du paysage, selon certaines communes lois du développement de la lumière, — lois qu’encore appliquent-ils avec une soumission libre et suivant les préférences de leurs tempéraments ; or, si Corot et Cazin « copient » le même paysage, ni les paysages de Corot et de Cazin ne se ressembleront entre eux, ni le paysage « copié » à l’aide de l’objectif photographique ne ressemblera — sinon vaguement — aux paysages de Corot et de Cazin. À rigoureusement parler, il n’y a pas de description exacte possible. Outre que deux paires d’yeux ne voient que très initialement de même, la reproduction exacte de la nature serait un péché inutile : un péché, puisque ce serait la doubler, — inutile, puisqu’elle est