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motif choisi est l’inceste[1]. M. Zola, qui a de la fantaisie, a risqué là toutes les audaces. Son livre impose de dangereuses comparaisons, par son titre qui évoque celui de Chateaubriand, par son sujet qui est celui de Phèdre. Quoique systématique, Renée témoigne d’un talent admirable. C’est peut-être le chef-d’œuvre de son auteur et c’est certainement un des beaux livres de ce temps. L’infériorité de M. Zola, s’il faut le comparer aux illustres rivaux qu’il affronte, se devrait pourtant compenser par le grand avantage qu’il a sur eux : il connaît les fautes qu’ils ont commises, lesquelles sont surtout celles de leurs formules, et, dans le même sujet, pourrait les éviter. — Il ne les a pas évitées ! Phèdre n’a ni le sentiment de la vie apparente, ni la vie des sens, elle n’a que des pensées passionnées ou plutôt elle n’est qu’une âme aux prises avec la Passion ; René a, peut-être, un peu de la réalité idéale de la Passion, mais il

  1. Il est singulier que les Modernes, comme les Anciens, n’ont parlé de l’inceste — qui n’est pourtant un vice que parce que la société l’a décrété tel, l’inceste qu’Israël pratiquait religieusement — qu’avec une excessive timidité. L’inceste de Phèdre n’est un inceste que d’alliance, comme celui de Renée, comme celui des Barthozouls de M. Caraguel. L’inceste de René serait réel, mais reste en désir. Celui de Zo’har seul est à la fois réel et effectif. Mais à ce sujet, et tout à fait exceptionnellement, M. Mendès se transforme en moraliste sévère — un peu artificiel, je pense — et ne parle qu’avec une horreur qui la condamne de la belle faute qu’il vient de décrire en un style, pourtant, épris d’elle.