et vit le sentiment où jusqu’à lui on n’avait vu
que la pensée. Voilà, quant au fond. — Quant à la
forme, il remua la vieille langue et lui donna les
allures de la vie. Il tua la périphrase. Il démomifia
le vers classique et le vivifia par plus d’exactitude
à la fois et de liberté, par le respect de la rime et
l’enjambement. Il songea au mot propre, idéal
illusoire, mais utile. Il inventa la prose plastique,
dont le chef-d’œuvre est cet introuvable
Gaspard de la Nuit d’Aloïsius Bertrand.
Comment, aulendemainde son enfance, l’homme moderne fut-il si vieux ? Car il faut être vieux pour s’intéresser exclusivement à sa sensation, pour l’observer et l’analyser, pour la suivre dans ses causes, ses accidents et ses effets. — L’homme moderne se fit vieux par réaction. Après la grande orgie de bruit et de couleur du Romantisme, il eut honte. Il sentit la nécessité de se prendre à quelque chose de solide, de connaître le fond des choses dont il avait, si légèrement, parlé sans rien savoir. — Ce fond des choses humaines, il crut le trouver dans les raisons physiques de la vie et entra dans les laboratoires et les salles de dissection. — Quel brusque changement ! Hier on n’entendait parler que de cape et d’épée, de grandes passions, de grands crimes et chacun s’en allait au loin cher-