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Point de conscience. Peut-être à ce mot d’ordre un livre d’âpre psychologie, comme l’Adolphe, échapperait. Aussi ce roman n’est guère romantique, si ce n’est par de certaines excessivités de sentiment, jusqu’au sentimentalisme, où l’analyse ordinairement aiguë de Benjamin Constant s’émousse, et par des complaisances au désespoir qui sonnent leur date. Mais plutôt faut-il inscrire Constant au dessous de Stendhal, parmi les ancêtres du roman analytique, où très peu, presque point de drame extérieur et toute l’importance laissée aux intimités psychologiques. Le drame, au contraire, absorbe tout chez Sand, Sandeau et tous les romanciers, jusqu’à Mérimée. — Celui-ci, une des dernières productions de Romantisme, est un cas singulier. Il vient sur ces limites où les influences contraires se rencontrent, se croisent, se combattent, s’allient, se nuisent, se servent. Mérimée est, de cœur et d’esprit, pour un art de combinaisons et de complications scéniques. Par excellence il est homme-de-lettres, fût-ce homme-de-lettres-de-cour. Mais il sent qu’un vent hostile souffle, que quelque chose de nouveau est naissant, et il se met en garde. La psychologie revient en goût, — Mérimée l’étudié, maussadement, mais sûrement. On reproche aux derniers héritiers de Lamartine et d’Hugo de s’abandonner par trop, de se lâcher, — Mérimée se tient. Il se compose une attitude correcte, une écriture