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L’Amour, un Vers, la Pensée-même sont des antithèses, on ne nous apprend rien en nous l’affirmant, c’est une vérité naïve que les Classiques savaient déjà mais où ils se gardaient d’insister, la sagesse étant de ramener à l’unité divine les deux termes extrêmes au lieu de laisser se perpétuer leur duel immémorial. C’est pourtant à ce dernier parti — qu’il croit nouveau — qu’Hugo s’arrête, et, ce faisant, il innove en effet : contre l’Humanité et contre la Sagesse. Lamartine et Musset gardent de la raison, ne brisent pas les chaînes des traditions. Lamartine n’aime pas Rousseau, mais il en vient, et il a lu Châteaubriand qui a lu Bossuet. Musset déteste Voltaire et Rousseau, mais il en a hérité, et il a lu Marivaux qui a lu Molière. — Or, tous les deux, ils sont des enfants. Nous venons de constater l’âge de Musset : il fut un enfant de vingt ans, fiévreux, capable de gaité, foncièrement triste. Lamartine a le même âge, mais c’est un enfant calme et joyeux. — Notre génération est parfaitement injuste pour lui. Elle a des excuses. Élève de Maîtres savants et profonds, somptueux et sombres, éprise de Beautés concentrées, singulières et qui se gouvernent, rompue à toutes les difficiles délicatesses du métier autant que familière avec les données rigoureuses de la Science d’où s’essore le plus beau mais le plus austère des Rêves, elle est mal préparée à sympathiser au lyrisme splendide mais abandonné de La-