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Faust), pour y chercher un sujet de drame[1]. S’ils vont plus loin, bien vite encore s’arrêtent-ils, et s’ils suivent Gœthe aux pieds d’Hélène, ils sont comme médusés par la beauté païenne, en acceptent aussitôt le symbole, en lui-même si court, l’imitent, le prennent pour idéal et ne se doutent pas que ce n’était là pour Gœthe qu’un échelon de son ascension sublime vers la Vérité Belle. Ils ne se doutent pas que Gœthe était un initié. Ils ne savent pas quelle lumière lointaine le dirige dans ses universelles recherches, quelle ardente foi métaphysique et scientifique il y a au fond de cette immense mêlée de Légendes, le Faust. Des paroles comme celles-ci étaient pour eux lettre close : « Ah ! si nous connaissions notre cerveau, ses rapports avec Uranus, les mille fils qui s’y entrecroisent et sur lesquels la pensée court çà et là ! L’éclair de la pensée ! Mais nous ne le percevons qu’au moment où il éclate !…

L’homme est le premier entretien de la nature avec Dieu. Je ne doute pas que cet entretien ne doive se continuer sur une autre planète, plus sublime, plus pro-

  1. Il semble que Gœthe se soit fait le ministre d’une indulgente et divine Vengeance en fixant dans son œuvre celui qui l’avait effleuré : Byron avait touché à Faust par Manfred, Gœthe enferme Byron dans Faust sous l’allégorique visage d’Euphorion, et le magnifique chant funèbre dont le grand poëte allemand salue son jeune rival fait oublier et, s’il était besoin, réparerait la trop facile créance prêtée aux ridicules contes dont Byron laissait s’entourer sa renommée.