Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une attitude sérieuse bien avant d’avoir des sentiments sérieux : peut-être s’hynoptisa-t-il dans cette attitude et le geste évoqua le sentiment. Mais l’attitude outrepassa l’expression réelle du sentiment sincère. Ce siècle s’ouvre par une plainte immense et ce sont des jeunes hommes qui l’exhalent, des jeunes hommes échevelés, pâles, aux yeux fiévreux, des jeunes hommes à qui le monde renaissant sourit et qui lui préfèrent les solitudes, les ruines, qui appellent l’orage et le bravent et ne se reposent jamais de leurs rôles d’exilés, de corsaires, de réfractaires, de rebelles. Et qu’y a-t-il au fond de tout ce désespoir ? Un effet physique, un sombre souvenir, mais surtout une comédie. Nous avons vu comment le XVIIe siècle persuada trop l’homme de sa petitesse. Pascal disait : « S’il se vante, je l’abaisse, s’il s’abaisse, je le vante… » Mais Pascal parlait surtout pour l’avenir et son temps ne le crut pas. L’homme consentit à croire sur leur parole ses Poètes et ses Docteurs. Il consentit à se croire vil et faible et s’en vengea contre Dieu et contre lui-même par cent ans de vilenies en effet et de faiblesses, de mollesse, de rire, de débauche et de folie. Dans l’usage d’une telle vie il s’énerva, s’exaspéra et, au bout de ses cent ans, fut pris d’une crise de vanité et de férocité : il déifia sa Raison que l’Évangile avait baffouée et fit la Terreur. Puis il eut peur de ce qu’il avait fait et en resta tremblant, assombri. Las de rire,