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à l’exemple de Gœthe, la préoccupation principale des Causes : alors, sans se laisser troubler par les effets, nouveaux pour eux, des libertés scéniques de Shakespeare, ils auraient, en restant fidèles aux exigences du tempérament latin, ajouté l’homme à la passion. Mais les Romantiques avaient des âmes puériles, des âmes d’enfants qui font l’école buissonnière. Ils prirent à Shakespeare ses libertés, y trouvant un prétexte de plus à se révolter contre la Règle et l’Ordre. Ils lui laissèrent son humanité et mirent en scène des mannequins qui n’ont ni corps ni âme, mais qui se remuent et déclament, vêtus de costumes splendides.

Le Mouvement, — voilà tout ce qu’ils reçurent de Shakespeare. L’impulsion du mouvement leur vint d’ailleurs, et quelle distance montrueuse, ici, entre la cause et l’effet ! L’impulsion du mouvement, c’est-à-dire le Sentiment, vint aux Romantiques de Jean-Jacques Rousseau.

Je disais que Rousseau rendit au monde moderne le goût chrétien des larmes. Cela est vrai, en dernière analyse : mais, immédiatement, ce n’est pas tout à fait juste. Rousseau ne sait pas plus pleurer que Voltaire ne sait rire. Voltaire ricane, Rousseau larmoie. Voltaire est une contrefaçon de la Joie, Rousseau une contre-façon de la Douleur. Pourtant le larmoiement de la Nouvelle Héloïse éteignit le ricanement de Candide parce que le lointain avenir devait être grave. Le monde prit