la perspective, qui est un accident individuel. Chez lui l’homme est tout près de devenir un homme. Tout le roman moderne est en germe dans La Bruyère. Peu s’en faut qu’avec lui le caractère se complique et s’explique par le tempérament. — Mais, comme tous ses contemporains, son angle initial et principal dirige son regard vers l’âme et seulement l’âme. Et s’il nous paraît plus clairvoyant que ses émules, moins qu’eux éloigné de nous, c’est qu’il a plus précisément qu’eux exprimé et pratiqué l’intention de tout le siècle. Sauf La Bruyère, tout ce siècle uniquement occupé de l’âme humaine l’a, peut-être pour mieux la voir, traduite par des symboles — récits poétiques, théâtre, fables — ou pressée en ses conséquences — Maximes et Pensées : La Bruyère seul l’interroge directement, la regarde vivre, l’observe ! Racine et La Fontaine observent aussi, mais c’est pour eux un travail purement préparatoire, qu’ils nous cachent et dont ils nous offrent seulement le résultat dans une fable ou dans une tragédie et sans doute ont-ils pour champ d’observation leur propre intuition, leur imagination ou leurs personnelles expériences plutôt que cette humanité vivante qui jouit et souffre autour d’eux. La Bruyère a inventé l’observation, il a eu la pressentiment des vérités de détail, l’idée d’examiner cette humanité vivre et, tel quel, ce drame journalier lui a semblé digne d’être perpétué. À la fois minutieux de regard et syn-
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