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passion qui fait le seul sujet de sa tragédie : Phèdre devrait mourir de ne plus aimer Hippolyte. Mais cette logique satisferait mal et à la tradition classique dont Racine garde le culte tout littéral et à l’intérêt dramatique dont il pressent les lois sans les bien connaître. De là ce dénoûment toujours comme ajouté, cette oiseuse catastrophe du suicide qui avait un grand sens dans la tragédie grecque, dont les héros sont en proie à l’inexorable Fatalité, et qui n’en a plus guère depuis que ces mêmes héros ont pris des sentiments chrétiens. — Cette conception de la tragédie classique, qui n’est, ainsi qu’on l’a très justement dit, qu’un instant de crise, explique et légitime la soumission de Corneille et de Racine aux lois aristotéliques de la triple unité. Elles les servaient plus qu’elles ne les gênaient. Ils eussent été bien embarrassés de conduire leurs chimériques personnages à travers une longue suite d’années, dans des lieux divers, au cours d’actions successives desquelles seul un sentiment réel et poignant de la vie peut faire l’essentielle synthèse dramatique. L’unité d’action leur était imposée par l’unité-même de conception : les péripéties d’une passion parvenue à son dernier période. Et à ces péripéties, un lieu, un jour suffisaient amplement.

Cette unité de la préoccupation morale apparaît plus évidente encore, quoique moins éclatante, dans les Moralistes proprement dits, de La Roche-