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« rien ne pouvait être plus faux que ces assertions »[1]. L’ouvrage intitulé The Great Lone Land qui contient cette rectification est pourtant un livre bien connu, et la rencontre de son auteur avec le président du gouvernement provisoire a tout particulièrement été plusieurs fois reproduite ou citée. Alors n’est-il pas déshonnête d’inculquer pareilles faussetés aux enfants de race anglaise et autre ? Si plusieurs des onze inexactitudes que je viens de relever sont le fait de l’ignorance et des préjugés de race, il en est que la malice paraît seule avoir suggérées.



L’esprit qui a présidé à la compilation de pareilles erreurs n’est, du reste, qu’un bien faible écho de celui qui fut responsable des déplorables excès qui suivirent l’occupation du pays par les troupes de Wolseley. Même après que nous aurons fait la part du ressentiment provoqué par l’exécution de Scott, ces excès peuvent être considérés comme un indice des véritables dispositions des Ontariens vis-à-vis des principaux représentants de notre race. Ils suffiraient à eux seuls pour justifier le soulèvement de 1869, et nous devons en prendre occasion pour savoir gré aux chefs métis de leur protestation, puisque la réussite de

    la Rivière-Rouge vers le 20 ou le 25 avril ». La même dépêche ajoutait que, sept jours avant qu’on fût sûr de la mort de Scott, et deux avant qu’il en eût même été rumeur, « la préparation de cent barges et de voitures de transport était [déjà] avancée, et des provisions avaient été commandées pour un millier d’hommes ». Dans ces conditions, comment les troupes pouvaient-elles avoir été levées dans le but de venger la mort de Scott ?

    Ce qui précède avait été écrit depuis quelques jours quand il m’est arrivé un ouvrage écrit en{{lié|1900}, Greater Canada, qui est encore plus clair et non moins injuste sur ce point et celui de l’exécution de Scott, dont « le meurtre brutal — un acte pour lequel il est impossible de trouver un motif raisonnable — enflamma l’Ontario et fut la cause de l’expédition de la Rivière-Rouge », dit cet impartial auteur (p. 51). C’est ainsi qu’on écrit l’histoire quand on se laisse guider par ses préjugés ! Le même véridique auteur, un Anglais du nom d’Osborn, nous assure dans le même paragraphe que les métis français de ce temps-là ne savaient « ni lire ni écrire. » Nous avons déjà vu un Allemand, qui n’avait rien à perdre ni à gagner en se montrant indûment favorable à leur cause, certifier tout le contraire après une longue résidence au milieu d’eux.

  1. The Great Lone Land, p. 134.