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De la loyauté de Riel aux institutions britanniques, malgré les mauvais conseils d’une certaine clique, il ne saurait y avoir le moindre doute. Pour le prouver, je n’ai qu’à suivre ma ligne de conduite habituelle : recourir aux sources et n’appuyer mes avancés que sur les assertions des auteurs hostiles aux métis.

Ceux-ci voulaient leurs droits ; mais ils eussent de beaucoup préféré les obtenir sans l’aide de la force armée. Dans tous les cas, leur allégeance à la reine d’Angleterre était pour eux chose presque sacrée. McDougall lui-même en était convaincu, puisque, le 6 décembre 1869, peu de jours après l’émission de sa proclamation illégale, il écrivait à l’honorable Joseph Howe, secrétaire d’État à Ottawa :

D’après un rapport confidentiel fourni par une personne qui eut accès au Conseil de Riel, j’apprends que… la lecture de ma proclamation (qui fut opportunément produite et lue à sa réunion de mercredi), eut un effet des plus tranquillisants. Riel dit : « Cela change toute l’affaire ; » et, comme le remarque mon informateur, « il manifesta des sentiments très loyaux. » Il en appela aux délégués anglais (dont quelques-uns restaient encore dans sa Convention pour en surveiller les actes), les priant de les aider à obtenir paisiblement leurs droits »[1].

Les italiques sont de McDougall lui-même.

Plus tard, ce monsieur reconnut encore cette loyauté des métis et de leur chef dans la seule communication qu’il condescendît à envoyer à ce dernier.

En tant que représentant de la souveraine à laquelle vous et les métis devez, et, me dit-on, ne voulez point refuser allégeance, il convient que vous veniez me voir, lui écrit-il le 13 décembre[2].

Mais, dira-t-on, s’il en était ainsi, comment se fait-il que trois jours auparavant Riel avait fait arborer au fort Garry un drapeau

  1. Livre bleu de 1870, p. 63.
  2. … En date du 16 décembre 1870, le Comité du Conseil Privé canadien reconnaissait formellement que la résistance des métis « n’était évidemment pas dirigée contre la souveraineté de la Reine ou le gouvernement de la Compagnie de la Baie d’Hudson, mais contre l’assomption de l’autorité par le Canada. Ils se disent contents de rester comme ils sont, et si on laissait subsister le présent système de gouvernement ils se disperseraient immédiatement » (Ibid., p. 53). Bien plus, le gouverneur général du Canada reconnaissait lui-même, le 15 février 1870, dans une dépêche au comte Granville que « Riel ouvrit les débats [de la Convention] par un discours imprégné de loyauté » (Ibid., p. 105).