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même qu’il aurait par là l’occasion de s’aboucher avec M. McTavish et autres en vue d’aviser aux moyens d’y introduire le représentant du Canada. McDougall avait compté sans la perspicacité de Riel, et ne s’était point rendu un compte exact de l’intensité des sentiments créés chez les métis par les procédés inqualifiables des agents de l’Ontario.

Après la messe, Provencher se mit en communication avec les principaux « mécontents », comme on disait alors, et vers 4 heures de l’après-midi, il fut formellement présenté à Riel. Il fit naturellement son possible pour le rassurer sur les intentions du gouvernement canadien ; mais Riel objecta que, « comme chef des métis, il ne pouvait reconnaître la validité d’aucune des mesures adoptées par ce gouvernement, pas plus que les nominations qu’il avait faites ; mais que si celui-ci y consentait, il était prêt à ouvrir des négociations avec lui ou quiconque serait investi de pleins pouvoirs en vue de s’entendre sur les conditions de l’entrée de la colonie dans la confédération du Canada »[1].

Puis il dut retourner à Pembina d’où il était venu, et où une force armée fut chargée de l’accompagner.

Mais il était écrit que Provencher ne serait pas le seul à s’assurer de l’efficacité de la barrière des métis. Un autre membre du futur gouvernement de McDougall était un capitaine Cameron, un homme qui ne connaissait point de frein, et qui, au dire même de son maître (qui n’était pourtant lui-même un modèle ni de modération ni de prudence), « avait en plus d’une circonstance suivi son propre jugement malgré l’avis de son supérieur et au grand désavantage de tout le monde »[2]. En dépit des observations du soi-disant gouverneur, le fougueux capitaine avait insisté pour se rendre au fort Garry dans le but d’y acheter des provisions, et il n’admettait pas un instant que de simples métis pussent l’en empêcher.

On lui objecta bien en route l’obstacle qui se dressait sur la voie publique près de la rivière Sale. Mais il avait déclaré que ce n’était rien pour lui. « Je suis habitué à pareille chose, » avait-il remarqué.

Donc, comme M. l’abbé Ritchot, curé de Saint-Norbert, reconduisait M. Provencher en compagnie de Riel et de ses soldats improvisés, on vit tout à coup apparaître un superbe équipage,

  1. Ubi suprà, p. 20.
  2. Ibid, p. 15.