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il convoqua une réunion du Conseil de la colonie pour le 25 du mois.

Mais les événements n’allaient pas attendre cette date. Le 21  octobre[1], ayant appris l’arrivée prochaine de M. Wm McDougall, que le Canada envoyait prendre les rênes du gouvernement des nouveaux territoires aussitôt que leur transfert ou annexion à la nouvelle Puissance serait officiellement annoncé, Riel qui avait, selon l’usage immémorial des métis dans toutes les conjonctures graves, formé un comité des principaux habitants, envoya défendre l’entrée du pays au représentant d’Ottawa. Puis il faisait élever sur le chemin public près de la rivière Sale, dans la paroisse de Saint-Norbert, une barrière qu’il fit garder par une quarantaine d’hommes armés, avec mission de veiller à ce que ni McDougall ni aucun de ses émissaires ne la passât pour se rendre au fort Garry, le centre politique et géographique de la colonie.



Cette fameuse barrière allait bientôt être mise à l’épreuve et en sortir triomphante. Le jour de la Toussaint, un peu avant la grand’messe, une voiture contenant deux Canadiens-Français qui arrivaient de la frontière américaine venait s’y heurter. Pendant que le conducteur restait à sa place, un jeune homme de mine agréable et aux manières distinguées en descendait, et demandait à parler au chef de la garde qui se composait alors de 30 à 40 métis armés de carabines, de fusils et de revolvers. S’étant donné comme un M. Provencher, le neveu du premier évêque de la Rivière-Rouge, il fut immédiatement conduit sous escorte à l’église paroissiale où le saint sacrifice allait commencer et auquel il fut heureux d’assister.

Ce M. Provencher faisait partie de la suite de McDougall, qu’il accompagnait en qualité de secrétaire. Il était désigné d’avance pour un office public dans son gouvernement. Ne pouvant se rendre lui-même au fort Garry, son maître avait cru que le nom de son secrétaire lui servirait de passeport, et qu’on ne l’empêcherait point d’atteindre le centre de la colonie, alors

  1. Bien qu’il cite le témoignage qui déclare sous serment, le 22, que le rassemblement des métis armés à la rivière Sale eut lieu « dans l’après-midi d’hier » (tout en omettant cette partie de la déposition), l’abbé Dugas fixe cette date au 17.