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attestation qui eut pour résultat de faire écrouer le ministre dans la prison du fort Garry, en attendant les assises de février où sa cause s’instruirait. Nul soupçon ayant jamais pesé sur sa vie passée, non seulement ses amis personnels, mais encore nombre de ses paroissiens et coreligionnaires crurent à un coup monté par le père de la jeune fille, d’autant plus que Corbett protestait hautement de son innocence.

Mus par ces sentiments, un certain nombre d’hommes s’assemblèrent le 6 décembre aux portes de la prison qu’ils forcèrent. Ce que voyant, les deux gouverneurs (celui de la Compagnie et celui de la colonie), se transportèrent sur les lieux et demandèrent une explication aux principaux meneurs, qui déclarèrent vouloir libérer le prisonnier sous caution, afin qu’il pût préparer sa défense pour les assises suivantes. Renvoyés au juge qui avait seul pouvoir d’agir dans le cas, les agitateurs en reçurent d’abord un refus formel, suivi quelque temps après d’une concession dans le sens des demandeurs.

Sur ces entrefaites, l’accusé travaillait fortement l’opinion publique au moyen d’une série de lettres qu’il publiait dans le journal de la colonie. D’un autre côté, afin de savoir à quoi s’en tenir, les autorités de sa propre secte se livraient secrètement à une enquête dont le résultat fut que le prévenu était trouvé coupable des délits dont on l’accusait.

Cette cause célèbre dans les annales de l’Assiniboia s’ouvrit le 19 février 1803. En raison de la gravité des accusations, de la position sociale et de l’habileté connue de l’inculpé, tout le talent légal dont la colonie pouvait disposer fut mis à réquisition tant par la défense que par la poursuite. Le procès ne dura pas moins de neuf jours, pendant lesquels le principal témoin, qui était aussi la victime, comparut en personne ; celle-ci, malgré les efforts de l’avocat de la défense pour l’embrouiller et provoquer des contradictions dans sa déposition, ne se départit jamais de ses premières accusations contre le prisonnier. Ce fut à tel point que le groupe de confrères qui assistaient journellement aux séances fut pleinement confirmé dans son opinion de sa culpabilité.

Le président du jury était un ami personnel du prévenu, et avant le procès il avait chaudement épousé sa cause. Aussi, quand vint pour lui le moment de lire à la cour le verdict auquel ses membres s’étaient unanimement arrêtés, tremblait-il comme une feuille, et voulut-il un moment qu’on lui épargnât cette tâche. Ce verdict était défavorable au prisonnier, qui fut con-