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déclaration hardie. Puis Riel ajouta que, à partir de ce jour, les métis prétendaient traiter comme bon leur semblerait. Et tous les métis de crier à l’envi :

« Le commerce est libre ! Vive la liberté ! »



Ce fut là, apparemment, un fort accroc à la robe de Thémis. Mais ne pourrait-on pas dire qu’elle se revêtait à la Rivière-Rouge d’atours qui la rendaient méconnaissable ?

Il est vrai que les historiens anglais donnent de cette affaire une version assez différente, bien que le résultat pratique, l’abolition du monopole de la traite des fourrures, soit concédé par tous comme sa conséquence logique. D’après Ross et ceux qui l’ont suivi, Sayer, tout en admettant qu’il avait fait le commerce qu’on lui reprochait, aurait été acquitté sous prétexte qu’il avait simplement usé d’une permission que lui aurait donnée un cer­tain M. Harriott. Mais il est probable que la différence de langue fut une cause de malentendu qui fit négliger à l’historien écossais la déclaration de Riel, de même que les amis de celui-ci se pré­occupèrent assez peu des subtilités légales auxquelles on fut bien aise d’avoir recours pour se tirer d’affaire.

Quoi qu’il en soit, deux choses sont certaines : à partir du 17 mai 1849 on n’entendit plus parler du monopole de la traite, et le fameux Thom dut peu après aller chercher dans l’est un climat plus favorable à sa santé et à l’exhibition de ses sentiments francophobes. J’ajouterai que ces deux dernières circonstances sont tout à fait à l’honneur de la Compagnie, qui eût pu dans la suite employer la force pour imposer ses prétentions, et garder à son service celui qui avait la réputation d’être l’instigateur secret de la plupart des mesures de rigueur qu’elle prenait. Son désistement équivalait à une admission tacite que son monopole avait fait son temps.

Au fond, son gouvernement était plutôt débonnaire et paternel quand elle n’était point en cause elle-même.

On remarquera que l’intervention de la population française dans l’affaire de Sayer était basée sur les besoins du bien public, bien qu’elle fût nuisible aux intérêts d’une riche corporation. Malgré son caractère quelque peu révolutionnaire, l’action de Riel ne favorisait d’aucune manière le vice ou tout ce qui eût pu porter atteinte à la sécurité de la société. Si elle lésait les droits