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IV. — thémis en détresse.


Pendant que les missionnaires pourvoyaient ainsi à la nourriture spirituelle de leurs ouailles, celles-ci avaient naturellement à s’occuper de leurs besoins matériels. On comprend que de vieux coureurs de bois habitués à la vie nomade des postes du nord, où toute espèce de culture autre que celle d’un jardinet autour de la cabane était inconnue, ne se sentaient pas trop d’attrait pour la vie sédentaire inhérente à l’agriculture pratiquée sur une assez grande échelle. Pareille occupation n’avait d’ailleurs guère de raison d’être à cette époque, faute de marché pour écouler les produits de la ferme. On cite même certains Canadiens ou métis qui furent longtemps en possession de quantités de blé dont ils ne savaient que faire.

Au lieu donc de s’attacher à la glèbe, la grande majorité de la population d’origine française de la Rivière-Rouge cultivait simplement quelques légumes, avec un arpent ou deux de céréales auprès de la cabane bâtie généralement sur les bords d’un cours d’eau, et trouvait dans la pêche et la chasse le principal soutien de l’individu et de la famille. Ce manque de stabilité relatif a toujours frappé les étrangers de langue anglaise comme un signe d’infériorité raciale. La plupart d’entre eux se sont complu, par exemple, dans une comparaison entre les métis anglais et les métis français, dans laquelle leur amour-propre national trouvait invariablement son profit. L’une et l’autre des deux sections de la population de l’Assiniboia avait ses qualités distinctives. Si les métis anglais étaient par nature de dispositions plus sédentaires, de caractère plus rassis et probablement aussi plus laborieux, personne ne peut refuser à leurs frères d’origine française une plus forte dose d’amabilité, des manières plus distinguées, une honnêteté tout aussi grande[1], et cette politesse exquise qui est un trait distinctif de la race de leurs pères, en même temps qu’une générosité et un esprit religieux qu’ont appréciés tous ceux qui ont été en rapport avec eux.

  1. A. Ross, qui n’a pourtant presque rien de bon à dire de la population française, rapporte lui-même le cas d’un métis très pauvre qui, ayant trouvé pendant qu’il était seul une cassette contenant 580 pièces d’or, plus 450 livres sterling en argent et en billets de banque, fit une journée de voyage pour porter le trésor à celui auquel il appartenait, et le lui remit sans en dérober un sou.